Frais bancaires sur successions : les banques ont 6 mois pour être prêtes

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Cathie-Rosalie Joly

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France

Je suis associée du département Banque Finance et du département Tech & Comms, en charge du pôle Fintech. Basée à Paris, je suis inscrite aux barreaux de Paris, de Bruxelles (Liste E). J'interviens tant en conseil qu'en contentieux réglementaire.

La loi n° 2025-415 du 13 mai 2025 apporte une réforme significative dans le domaine des frais bancaires appliqués lors des successions. Cette nouvelle réglementation, qui entrera en vigueur en novembre 2025, vise à encadrer strictement les frais que les établissements bancaires sont autorisés à facturer lors des opérations de clôture de comptes d'un défunt.

Les frais bancaires sur succession sont évalués en France à un montant annuel total d'au moins 125 millions d'euros, pouvant atteindre 200 millions selon les estimations hautes, soit environ 1% du total des frais bancaires perçus par les établissements.

Plusieurs études ont porté sur les tarifications appliquées et ont été menées notamment par l'UFC-Que Choisir publiée en 2023 et par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) en 2024. Elles ont mis en évidence des disparités tarifaires importantes entre établissements pour des prestations similaires. Il semblait donc impératif d'établir un cadre réglementaire harmonisé pour les frais spécifiques de succession.

Principe fondamental : la gratuité totale pour trois catégories de successions

La nouvelle loi introduit un cadre strict concernant les frais bancaires applicables en cas de succession avec un principe novateur : la gratuité totale dans trois catégories de successions :

1. les successions simples : sont considérées comme "simples" les successions où l'héritier peut justifier de sa qualité par un acte de notoriété ou une attestation spécifique, et lorsque la succession ne comporte aucune complexité particulière telle que : absence de crédit immobilier en cours, compte non professionnel, ou absence d'héritiers complexes à déterminer.

2. les successions de faible montant : lorsque le total des avoirs bancaires est inférieur à 5 910 euros (défini par arrêté), aucun frais ne pourra être prélevé. Cette mesure vise à préserver l'intégralité des petits patrimoines transmis et éviter que les frais n'absorbent une part disproportionnée de l'héritage dans les successions modestes.

3. les successions de mineurs : dans le cas particulièrement sensible du décès d'un enfant mineur, la loi prévoit l'absence totale de frais pour les opérations sur ses comptes.

Un plafonnement rigoureux des frais pour les autres situations

Pour les successions ne rentrant pas dans ces trois catégories, les établissements bancaires pourront continuer à facturer des frais, mais ceux-ci seront désormais strictement encadrés selon une double limitation :

 à 1% maximum du montant total des avoirs concernés,

 dans la limite d'un montant fixe qui sera précisé par décret.

Périmètre d'application de la réglementation

La loi encadre spécifiquement les frais sur les opérations successorales portant sur :

 les comptes de dépôt (comptes courants, comptes chèques),

 les comptes sur livret (livrets A, livrets jeune, etc.),

 les produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique du défunt. Sont explicitement exclus du champ d'application certains produits spécifiques qui correspondent notamment à certains instruments financiers et produits d'épargne spécialisés tels que les PEA, les comptes PME innovation et les plans d'épargne avenir climat.

Calendrier de mise en œuvre et sanctions

La loi prévoit une entrée en vigueur six mois après sa promulgation, soit le 13 novembre 2025. Ce délai, initialement fixé à trois mois, a été allongé lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, afin de laisser plus de temps aux établissements bancaires pour se conformer aux nouvelles exigences légales.

La mise en oeuvre complète du dispositif nécessite la publication d’un décret, pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF), afin de préciser les conditions d'application du dispositif et les modalités de plafonnement des frais.

Pour garantir l'effectivité du dispositif, la loi prévoit expressément l'habilitation des agents de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à contrôler le respect de ces nouvelles règles. Ces nouvelles exigences sont donc intégrées dans le régime de sanctions existant.

Implications pour les établissements bancaires

Afin de respecter ces dispositions, les établissements vont donc devoir d’ici à novembre 2025 :

adapter leurs systèmes informatiques pour identifier automatiquement les successions éligibles à la gratuité,

mettre à jour leur documentation commerciale,

mettre à jour les modalités de calcul des frais et grilles tarifaires,

mise à jour des procédures internes,

mise à jour des mécanismes de contrôle interne pour garantir la conformité à ces nouvelles exigences, 

former leur personnel aux nouvelles règles.

Suivi de l’efficacité du dispositif à un an

Le Gouvernement évaluera l'efficacité de cette réforme en remettant au Parlement, un an après la publication du décret d'application, un rapport détaillant l'impact de la réglementation, notamment l'évolution des pratiques tarifaires et le nombre de bénéficiaires du régime de gratuité.

 

Points de vue

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