Adoption du décret réformant la procédure civile : l'exécution provisoire est de droit à compter du 1er janvier 2020

Le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile est paru au Journal officiel. Il a été pris en application de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a notamment procédé à la fusion du Tribunal d’instance et du Tribunal de grande instance en un unique Tribunal judiciaire.

Ce décret, dont les dispositions entrent en application au 1er janvier 2020, fixe les règles gouvernant la procédure devant le Tribunal judiciaire et apporte différentes modifications au droit positif, notamment :

extension de la représentation obligatoire par avocat, notamment en référé lorsque l’enjeu du litige est supérieur à 10.000 euros (y compris devant le Tribunal de commerce). Celle-ci devient le principe, que la procédure soit écrite ou orale ;
limitation de l’introduction d’une instance aux voies d’assignation et de requête, la déclaration étant désormais réservée au recours en appel ;
obligation, dans certains contentieux, de recourir à un mode alternatif de règlement des litiges (médiation, conciliation, procédure participative) avant l’introduction d’une action en justice, notamment lorsque l’enjeu du litige est inférieur à 5.000 euros ; 
simplification des exceptions d'incompétence ;
extension des pouvoirs du juge de la mise en état ;
faculté pour les parties d’opter pour la procédure sans audience ;
enfin, et surtout, extension du domaine de l’exécution provisoire des décisions de première instance qui devient de droit.

L'exécution provisoire des décisions de première instance est désormais de droit

Selon la rédaction actuelle de l’article  514 du Code de procédure civile, les jugements ne bénéficient de l’exécution provisoire que si le juge, considérant qu’elle est nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, l’a ordonnée (d’office ou à la demande d’une partie). 
 
Le décret procède à une inversion de ce principe : s’appropriant les recommandations émises par le rapport Agostini-Molfessis de 2018, il érige en principe l’exécution provisoire des décisions de première instance, et pose sa mise à l’écart par le juge comme exception
 
Conformément au nouvel article 514-1 du Code de procédure civile, le juge pourra écarter l’exécution provisoire en tout ou partie s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire ou qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessive, d’office ou à la demande des parties, par décision spécialement motivée.
 
En cas d’appel (lequel est pour l’instant toujours suspensif, faute pour le décret d’avoir modifié les dispositions de l’article 539 du Code de procédure civile) le premier président de la Cour d’appel aura toujours la possibilité d’écarter l’exécution provisoire s’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
 
Il est encore à souligner qu’à défaut d’avoir fait valoir ses observations sur l’exécution provisoire en première instance, la partie condamnée ne pourra solliciter du Premier Président de la Cour d’appel la suspension de l’exécution provisoire assortissant la décision de condamnation qu’en établissant « l’existence de conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ». Le cas échéant, une fin de non-recevoir s’opposera à sa demande selon le nouvel article 514-3 du Code de procédure civile.
 
Exécution provisoire et secret des affaires

Toutes les affaires ne sont pas concernées par cette nouvelle règle de procédure. En effet, il est prévu que dans les cas visés par la loi, l’exécution provisoire restera facultative et devra être ordonnée par le juge chaque fois qu’il l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.
 
Le décret fixe d’ores et déjà certaines matières dans lesquelles l’exécution provisoire sera facultative. Il en va en particulier ainsi des jugements du Conseil de prud’hommes, sauf exceptions, et certaines décisions intéressant le droit de la famille et l’état des personnes.
 
Par ailleurs, le décret ne modifie pas les dispositions de l’article R.153-8 du Code de commerce créé par le décret du 18 décembre 2018 relatif à la protection du secret des affaires, selon lesquelles les décisions rendues en matière de communication ou de production de pièces couvertes (ou dont il est allégué qu’elle sont couvertes) par le secret des affaires ne peuvent être assorties de l’exécution provisoire.
 
La réforme a vocation à réduire le nombre d’appels en supprimant l’un des attraits majeurs de cette procédure, la suspension de l’exécution des décisions rendues en première instance ; elle permettra parallèlement aux créanciers d’une condamnation (notamment au titre de l’article 700 du Code de procédure civile) de faire valoir leurs droits plus facilement dès l’obtention du jugement de condamnation.

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