Paquet pharmaceutique : le Conseil de l’Union européenne arrête enfin sa position

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Anne-Charlotte Le Bihan

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Caroline Arrighi-Savoie

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Marylis Clerc

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Collaboratrice au sein de l'équipe Propriété Intellectuelle à Paris, j'assiste nos clients français et internationaux en droit des brevets dans différents domaines techniques, avec une expertise particulière en contentieux de brevets pharmaceutiques.

Le 4 juin 2025, le Conseil de l'Union européenne (le « Conseil ») a enfin publié sa position sur la proposition de directive instituant un code de l’Union relatif aux médicaments à usage humain (laquelle abrogera les directives 2001/83/CE et 2009/35/CE) (la « Proposition de Directive ») ainsi que sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l’Union pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l’Agence européenne des médicaments (laquelle modifiera les règlements nº 1394/2007 et nº 536/2014 et abrogera les règlements nº 726/2004, nº 141/2000 et nº 1901/2006) (la « Proposition de Règlement »).

A la suite des propositions initiales présentées par la Commission européenne le 26 avril 2023, le Parlement européen avait adopté sa position un an plus tard, le 10 avril 2024.

Il aura fallu donc une année supplémentaire au Conseil pour définir sa position sur cette réforme d’ampleur du cadre pharmaceutique européen, et pour confier au Parlement européen un mandat en vue de l’ouverture des négociations interinstitutionnelles sur les deux textes.

Les modifications proposées par le Conseil couvrent notamment les éléments suivants.

1.    Protection règlementaire des données et du marché

Aux termes du mandat arrêté par le Conseil, les règles relatives à la protection règlementaire des données et du marché de la Proposition de Directive sont modifiées.

En résumé, la durée de base de la protection réglementaire des données est fixée à 8 ans, contre 7,5 ans dans la position du Parlement et 6 ans dans celle de la Commission européenne.

Le Conseil propose une période d'1 an de protection réglementaire du marché suivant la période de protection des données, pendant laquelle aucun médicament générique, hybride ou biosimilaire ne peut être mis sur le marché - contre 2 ans dans les précédentes propositions.

Le mandat du Conseil prévoit que c’est la période de protection réglementaire du marché (et non celle des données) qui peut être prolongée dans certaines situations et si certaines conditions sont remplies. Les titulaires d’autorisations de mise sur le marché (AMM) pourront bénéficier d’une année supplémentaire de protection réglementaire du marché en cas de nouvelle substance active ou si le médicament répond à un besoin médical non satisfait. Par ailleurs, une année additionnelle de protection pourra être accordée en cas d’autorisation pour une nouvelle indication thérapeutique présentant un bénéfice clinique significatif par rapport aux thérapies existantes.

La durée cumulée de la protection réglementaire du marché pour un médicament ne peut dépasser 2 ans à compter de l’expiration de la protection des données, sauf lorsqu’une année supplémentaire est accordée pour la reconnaissance d’indications thérapeutiques nouvelles apportant un bénéfice clinique significatif.

2.    Obligation de fourniture de médicaments

Un nouvel article 56 bis a été ajouté à la Proposition de Directive.

En synthèse, celui-ci autorise les États membres à imposer au titulaire de l’AMM d’un médicament l’obligation de rendre ce produit disponible en quantités suffisantes afin de répondre aux besoins des patients sur leur territoire.

Dans ce cadre, le titulaire de l’AMM pourra être tenu, en vertu du droit national, de prendre certaines mesures spécifiques, telles que :

  • déposer une demande valide de tarification et de remboursement ;
  • satisfaire aux obligations spécifiques applicables dans le cadre des procédures de passation de marchés publics ;
  • établir un plan de déploiement du médicament.

Le texte ne prévoit pas expressément que le non-respect de cette demande donne lieu à des sanctions. Toutefois, si, dans un délai de 4 ans suivant la délivrance de l’AMM, le titulaire n’a pas donné suite à la demande d’un État membre, il perdra le bénéfice de toute période de protection du marché pour ce médicament.

3.    Antimicrobiens et titre d'exclusivité des données transférable

Un élément clé du « Paquet Pharmaceutique » est la mise en place d’un système de titre d’exclusivité transférable destiné à encourager le développement d’antimicrobiens prioritaires.

Le dispositif incitatif initialement proposé au sein de la Proposition de Règlement a été modifié par le Parlement, puis ajusté par le Conseil.

En particulier, selon le mandat du Conseil, ce titre donne droit à 12 mois supplémentaires de protection réglementaire des données. Pour qu’un demandeur puisse en bénéficier, il doit démontrer que la demande d’AMM pour l’antimicrobien prioritaire a été déposée pour la première fois auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA), ou au plus tard dans un délai de 90 jours suivant la première soumission d’une demande d’AMM en dehors de l’Union européenne.

En outre, si le titre est utilisé pour un médicament autre que l’antimicrobien prioritaire pour lequel il a été accordé, son utilisation ne peut intervenir qu’au cours de la cinquième année de la période de protection réglementaire des données. De plus, le titulaire de l’AMM doit démontrer que le chiffre d’affaires brut annuel de ce médicament dans l’Union n’a pas dépassé 490 millions d’euros au cours de l’une des quatre années précédentes.

4.    Exemption « Bolar »

En ce qui concerne l'exemption dite « Bolar » prévue à l’article 85 de la Proposition de Directive, le Conseil, à l'instar du Parlement l'année dernière, s'aligne sur la proposition de la Commission visant à inclure les demandes et décisions de fixation des prix et du niveau de remboursement dans le champ d'application de l'exemption Bolar.

Toutefois, alors que le Parlement suggérait d'étendre l'exemption Bolar aux médicaments de référence (princeps), le Conseil s'en est finalement tenu à la proposition initiale de la Commission visant à limiter son champ d'application aux médicaments génériques, biosimilaires, hybrides ou biohybrides, et aux modifications ultérieures.

Le mandat du Conseil clarifie toutefois une ambiguïté qui subsistait dans les propositions de la Commission et du Parlement, à savoir que l'exemption Bolar couvre également les demandes de participation à des appels d'offres, dans la mesure où elles ne conduisent pas à la vente, à l'offre de vente ou à la commercialisation des produits pendant la durée de protection des droits de propriété intellectuelle concernés.

Enfin, alors que le Parlement avait expressément inclus un article 85 bis dans ses amendements afin d'interdire toute pratique de « patent linkage » en relation avec les procédures autorisées au titre de l'exemption Bolar, le Conseil n'a pas repris cette proposition. Il propose cependant d’ajouter quelques lignes en ce sens dans le considérant (65) de la Proposition de Directive, laissant ainsi aux États membres le soin de décider comment réglementer ces procédures afin de permettre une mise sur le marché des médicaments concernés dès le jour suivant la fin de la période de protection.

Le Conseil et le Parlement européen vont désormais entrer en négociation avec la Commission européenne en vue de l’adoption d’un texte commun, et les discussions devraient perdurer jusqu’à fin 2025. 
 

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