Restructuring Alert - Novembre 2016 - Le nouveau visage de l’agent des sûretés après la loi Sapin II

Mardi 8 novembre 2016, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin II ». L’article 117* du texte définitif habilite le gouvernement à réformer, par voie d’ordonnance, le statut de l’agent des sûretés, tout en explicitant d’ores et déjà les traits saillants de la réforme à intervenir. 

Un rapide retour en arrière s’impose : empruntant dans un premier temps aux techniques de droit civil et notamment à celle du mandat, il a fallu attendre la loi n°2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie pour qu’une disposition spécifique relative à l’agent des sûretés soit introduite dans le Code civil, l’article 2328-1 disposant ainsi : « toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation ».

L’utilisation limitée de l’article 2328-1 du Code civil durant ces dix dernières années illustre, sans doute, la déception de professionnels à la recherche de davantage de simplicité, de souplesse et de sécurité juridique. Il a notamment été reproché au statut actuel de l’agent des sûretés, le manque de précision de son régime ou encore les pouvoirs trop limités qui lui sont conférés.

Tirant le constat de ce qui précède, l’objectif de la réforme est précisément de « clarifier et moderniser » le régime de l’agent des sûretés selon des modalités à définir par le gouvernement dans les prochains mois.

Quelles sont les grandes lignes directrices d’ores et déjà posées par le législateur ?

On relèvera, d’abord, qu’il est prévu que l’agent des sûretés devienne titulaire des sûretés qui seront affectées à un patrimoine distinct de son patrimoine propre, à l’instar du mécanisme de fiducie. La création d’un patrimoine d’affectation au nom de l’agent des sûretés a vocation à renforcer la protection des créanciers et l’efficacité d’un tel mécanisme en extournant les sûretés du risque de faillite de l’agent (hypothèse dans laquelle le gouvernement devra prévoir la possibilité de désigner un agent des sûretés provisoire).

Autre nouveauté, l’agent des sûretés pourra, dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, intenter une action pour défendre les intérêts des créanciers, notamment une action en justice, ou encore déclarer leurs créances garanties en cas de procédure collective du débiteur. Ces précisions impérieuses permettront d’éviter les atermoiements d’un « Belvédère à la française » (Cass. com., 13 septembre 2011, pourvoi n° 10-25.533). Plus généralement, des précisions devront être apportées sur les effets, à l’égard de l’agent des sûretés, de l’ouverture d’une procédure collective du débiteur. Le gouvernement devra également fixer les conditions dans lesquelles le pouvoir de représentation de l’agent s’exercera.

Sans préempter la position future du gouvernement à l’égard du statut de l’agent des sûretés, d’importantes questions resteront en suspens : l’obligation de désigner l’agent des sûretés dans l’acte constitutif sera-t-elle maintenue ? Quelles conditions devra satisfaire l’agent des sûretés pour remplir sa fonction ? Pourra-t-on, par exemple, cumuler la fonction d’agent des sûretés avec celle de fiduciaire ? Dans ce prolongement, un agent des sûretés qui n’est pas un établissement de crédit pourra-t-il se voir consentir une cession de créances professionnelles Dailly à titre de garantie des banques mandantes ?

Autant de sujets qu’il appartiendra au gouvernement de traiter, étant déjà souligné que la formule large de « sûretés et garanties » utilisée dans le texte de loi devrait permettre de considérer que les sûretés réelles mais également personnelles pourront être gérées par l’agent des sûretés, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Reste donc à attendre le projet d’ordonnance à intervenir en cette fin de quinquennat…

*Article 117

. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi :

[…]

2° Tendant à clarifier et moderniser le régime défini à l’article 2328-1 du code civil, ci-après dénommé « agent des sûretés » :

a) En permettant aux créanciers de constituer les sûretés et garanties dont ils bénéficient au nom d’un agent des sûretés qu’ils désignent, qui sera titulaire desdites sûretés et garanties, qu’il tiendra séparées de son patrimoine propre et dont il percevra le produit de la réalisation ou de l’exercice ;

b) En définissant les conditions dans lesquelles l’agent des sûretés peut, dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés par les créanciers de l’obligation garantie, intenter une action pour défendre leurs intérêts, y compris en justice, et procéder à la déclaration des créances garanties en cas de procédure collective ;

c) En précisant les effets de l’ouverture, à l’égard de l’agent des sûretés, d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou d’une procédure de rétablissement professionnel sur les sûretés et garanties dont celui-ci est titulaire en cette qualité et sur le produit de leur réalisation ou exercice ;

d) En permettant la désignation d’un agent des sûretés provisoire, ou le remplacement de l’agent des sûretés, lorsque ce dernier manquera à ses devoirs ou mettra en péril les intérêts qui lui sont confiés, ou encore fera l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou d’une procédure de rétablissement professionnel ;

e) En adaptant toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications ainsi apportées ;

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